Catégorie : Débat « Parcours Pro »

Jour : Samedi 31 Janvier 2015

Heure : 14h à 15h

Lieu : Salle Potiron

 

Animation : Jules Arlaud, Florestan Groult, Jad Sayegh (Groupe de travail Eau d’Ingénieurs Sans Frontières).

 

Le débat était tourné autour de questions sur :

- La légitimité d’une intervention au Sud,

- Quel place et rôle des ingénieurs du nord dans des pays au sud,

- La richesse des différences de conceptions ou de représentations entre les différents acteurs du Nord et du Sud, notamment autour des questions de la tarification de l’eau et du rapport au temps.

La session était organisée en « Rivière de doutes ». La salle était ainsi séparée en deux parties. Les participants, en réponse aux questions, se positionnaient d’un côté ou l’autre de la salle, puis présentaient leur point de vue.

 

L’expertise locale est-elle la mieux placée pour conduire un projet de développement ?

• Oui (2/3 de la salle) pour les raisons suivantes :
• Pour conduire un projet, les acteurs locaux connaissent mieux la situation que les autres (management du projet, choix des partenaires…).
• On peut trouver de l’expertise localement grâce au développement de formations partout dans le monde et la mobilité internationale.
• L’intervention locale permet une meilleure garantie des enjeux du projet, de son appropriation, et une vision à long terme. En plus d’une meilleure prise en compte du contexte, elle permet également un ancrage culturel et sociétal dans la manière de faire vivre l’action en terme de méthodes de travail, de conception du temps, de hiérarchie, de communication etc… Le développement recherché par le projet est alors moins conditionné par le modèle du « nord » qui peut être importé par les méthodes et l’approche de l’expert.   

Conclusion : Cela dépend beaucoup du contexte. Certaines expertises locales valent mieux que des experts internationaux. D’autres ne sont pas assez compétentes. Les enjeux sont également ceux de la formation de l’expertise locale pour que le service soit pérenne. Chacun à son rôle dans le développement des projets et il faut savoir les faire évoluer (par exemple un ingénieur local ne doit pas être cantonné uniquement au rôle d’expert socio-culturel des populations locales). La présence des ingénieurs du Nord n’est cependant pas à bannir, leurs compétences et leur expertise sont aussi reconnues et les populations locales aiment sentir l'implication des personnes du nord.

Par ailleurs, le positionnement majoritaire en faveur de l’expertise locale nous rappelle de s’interroger sur le sens et les motivations personnelles de nos envies de départ et de notre place au Sud. Ainsi, on évite l’équation simpliste et fausse : « pays du sud = besoin de moi ».  Il faut relativiser l’apport technique dans son illusion de neutralité et/ou « d’a priori » positif qui a parfois légitimé à tort les projets. La technique reste très subjective. En effet,  l’intervention technique n’engage pas que des savoirs scientifiques liés à l’eau et aux milieux : elle comporte aussi des dimensions philosophiques, sociologiques, politiques, stratégiques  qui prennent des résonances toutes particulières dans des contextes de culture et de société différentes où les intérêts, les représentations, les discours sont nombreux et pas toujours sais sable, et encore moins par l’acteur du nord.  Cela nous invite également à s’interroger sur les nouvelles formes de lien avec le sud qui pourraient émerger, bien au-delà de l’apport technique dans les projets qui a parfois montré ses limites.  

Faut-il faire payer l’eau aux bénéficiaires sur un projet de Solidarité Internationale ?

• Oui (3/4 de la salle environ) pour les raisons suivantes :
  • Ça responsabilise et ça assure une pérennité du service. Quand on donne sans frais, les bénéficiaires ont tendance à gaspiller.
  • En plus de la pérennité cela garantit une certaine qualité : ne vaut-t-il pas mieux une eau payante mais saine plutôt qu’une eau gratuite mais dangereuse ? A mettre en perspective avec le risque d’une exclusion
  • C’est un coût mais qui en fait en remplace un autre (gain sur le temps auparavant utilisé pour aller chercher l’eau, coûts de santé évités…).
• Non (1/4 de la salle) pour les raisons suivantes :
• On peut responsabiliser en mettant juste un quota gratuit, ce qui peut parfois se révéler encore plus efficace qu’en faisant payer.
• A qui appartient l’eau ? De quel droit on peut faire payer l’eau ?
• On peut payer l’assainissement et l’infrastructure mais pas l’eau elle-même. Qu’est ce que la notion de service ?

Conclusion : Si on considère qu’il est nécessaire et/ou difficile matériellement de ne pas faire payer le service de l’eau. Vient alors la question de savoir s’il faut un modèle de paiement forfaitaire ou en fonction du volume. Les nombreuses représentations, avis, questionnements ouverts par ces questions montrent à quel point elles s’intègrent dans un modèle socio-culturel complexe et variable. Cette question est sans fin car elle dépend aussi du contexte. Il n’y a pas de modèle idéal. L’appropriation du service passe par la mise en place de mécanismes qui prennent en compte les différences culturelles. La notion d’écoute doit être au centre de tout projet de solidarité (mais l’écoute peut être soumis à notre propre prisme de valeurs, de limites personnels etc...)

L’atelier se termine par « le jeu de la minute » (chaque participant ferme les yeux et les ré-ouvrent au bout d’une minute selon lui)  qui permet de mieux discerner les variabilités de représentations et d’approche au temps de chacun.

Idées clés

Il est indispensable de s’interroger sur le sens d’une intervention avant de partir. Une concertation avec la population locale concernée permet d’avoir conscience des différentes représentations qui peuvent intervenir et qui doivent être prises en compte. La vision de long terme et l’exercice du doute sur ces conviction sont essentiels pour que les projets servent aux populations ce qui pose les questions fondamentales de la formation des personnels locaux et de l’appropriation des projets par les  bénéficiaires.

Pour en savoir plus

 

Partir pour être solidaire ? Ritimo, 2007. Plus d’information : http://www.ritimo.org/article21.html

L’intelligence de l’autre. Michel Sauquet et Martin Vielajus aux éditions Charles Leopold Mayer. Plus d’information : http://www.eclm.fr/ouvrage-325.html.

62 questions pour aborder l’interculturel. Michel Sauquet & al. http://docs.eclm.fr/pdf_annexe/IntelligenceDeLAutreNouvelleGrilleObservationJuillet2011.pdf

Capitalisé par Alexis Toulza